Les Premières Nations de Mashteuiatsh, Essipit et Nutashkuan ont confié le mandat de mener la négociation d'un traité avec les gouvernements du Canada et du Québec au Regroupement Petapan. Cinq principes orientent ce mandat.
1- La reconnaissance des droits ancestraux, y compris du titre ancestral
Il est fondamental que le traité à venir soit basé sur la reconnaissance de nos droits ancestraux, y compris le titre ancestral, plutôt que sur leur extinction. Autant sur la scène nationale qu’internationale, la jurisprudence et la compréhension de ce concept des droits ancestraux ont beaucoup évolué au cours des dernières décennies.
Qui pourrait aujourd’hui demander à une Première Nation comme la nôtre d’éteindre ses droits en échange d’un traité ? Nous ne pouvons donc que nous réjouir du résultat obtenu suite au travail des équipes de négociation et du comité des juristes externes sur ce point. Les parties en sont arrivées à une solution qui rencontre les intérêts de tous, à savoir qu’en plus de la reconnaissance de nos droits, la Couronne atteint également le degré de certitude juridique qu’elle recherche.
2- Le maintien du lien avec l'ensemble du Nitassinan
Le second principe important est le maintien du lien avec l’ensemble du Nitassinan, notre territoire ancestral. Ce lien constitue l’un des éléments fondamentaux sur lesquels repose notre culture distincte. Nous avons constamment fait valoir auprès des instances gouvernementales l’importance de conserver ce lien. Nous avons toujours utilisé ce territoire et nous l’utilisons encore aujourd’hui. Nous y sommes chez-nous. Renoncer à la reconnaissance et à la perpétuation de ce lien, tout comme à la poursuite de nos activités sur le Nitassinan, n’a jamais été une voie de négociation acceptable pour nous. Il faut concilier cette réalité avec la présence des Québécois sur ce même territoire. La solution prévue dans l'Entente de principe d’ordre générale (EPOG), qui consiste à moduler les effets et modalités d'exercice des droits selon les affectations territoriales et à harmoniser nos règlementations respectives est, à notre avis, structurante et porteuse d’avenir.
3- La cohabitation pacifique et harmonieuse
La cohabitation pacifique et harmonieuse constitue également un autre principe important de ces négociations. Depuis plusieurs générations, les relations qui se sont développées au sein de nos populations ont très souvent été marquées de liens d’amitié réels et sincères. Au-delà des grands enjeux politiques, il y a les gens et leur vie quotidienne. Notre volonté d’en arriver à la signature d’un traité vise à ce que nos populations puissent encore davantage grandir et prospérer ensemble. Ce traité devra permettre que ces liens qui se sont développés deviennent encore plus solides; que nous bâtissions ensemble une nouvelle forme de relation fondée sur la confiance mutuelle, confiance qui a été mise à rude épreuve depuis la signature de l’EPOG.
Contrairement à ce que plusieurs personnes peuvent croire, les Innus ne souhaitent pas et n’ont jamais souhaité vivre au crochet de la société et encore moins de s’enrichir à ses dépens. Nous croyons en une juste distribution des richesses collectives et au respect des peuples. Nous souhaitons cohabiter de façon harmonieuse et pacifique avec nos voisins.
4- Le droit au développement économique
Le droit au développement économique constitue sans doute le principe le plus résolument orienté vers l’avenir. Les Québécois, comme les Innus, doivent prendre conscience de l’immense potentiel qui réside dans l’établissement d’un véritable partenariat entre nos nations. L’exploitation des ressources issues de nos territoires ancestraux s’est longtemps faite sans que nous ayons notre mot à dire. Il n’a jamais été facile pour nous d'accepter cette situation, comme il n'est pas non plus facile de concilier le développement économique de notre nation avec la sauvegarde et la protection de notre culture. Il s’agit là d’un défi bien contemporain. Nous ne souhaitons pas vivre en vase clos. Comme n’importe quelle nation, nous avons besoin de nous développer.
Pour ce faire, nous avons aussi besoin que nos voisins et amis nous comprennent et acceptent ce projet de règlement qui nous permettra d’avoir en main les outils nécessaires à notre développement. Une multitude de problèmes d’ordre socio-économique affligent nos communautés. Nous avons la volonté de les surmonter, de reconstruire, de nous redonner un avenir prometteur, mais nous le ferons difficilement sans une entente avec nos voisins. C’est pourquoi nous privilégions la voie de la négociation plutôt que celle des tribunaux. Nous y gagnons tous.
5- Le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale
Bien que les Conseils de bande soient élus par les membres de leurs Premières Nations, il ne s’agit pas d’une forme de gouvernement choisie et adoptée par leurs communautés, mais bien d’un modèle imposé par le gouvernement fédéral.
Un gouvernement est l’un des éléments les plus importants dans toute société organisée. Dans le cadre d’un éventuel traité, le concept d’autonomie gouvernementale remplacerait la formule de Conseil de bande actuellement en vigueur. La mise en place de gouvernements innus va renforcir la relation de Nation à Nation entre nous et les gouvernements du Canada et du Québec.